Crever l’abcès

Boolumbal Boolumbal

Le système est fort. Il continue de dicter ses lois. Invisible et insaisissable, c’est lui qui dirige le pays.

Il est si fort que même si, à une époque quelconque, on changeaient les hommes du pouvoir, ils demeureront toujours à la tête du pays... par photocopies humaines interposées ! Une sorte de force de duplication et d’ubiquité, que toutes les réformes, tous les changements d’hommes, tous les coups d’Etat, toutes les élections, toutes les révolutions du monde ne parviendront à exorciser.

Quinze années après le départ de Ould Taya, les Mauritaniens sont unanimes à reconnaître que malgré tout le travail abattu depuis ; celui du CMJD et son gouvernement, en terme de bonne gouvernance administrative ; les actes posés par Sidioca, les intentions exprimées par Ould Abdel Aziz lors de sa prise de pouvoir alors qu’il se déclarait « Président des pauvres ».

Malgré les prédispositions du tout nouveau président Mohamed Ould Ghazouany, au final, les petites injustices sont demeurées en l’état, les abus d’autorité et de pouvoir n’ont pas disparu, les difficultés quotidiennes sont toujours les mêmes, les pauvres sont toujours pauvres et les riches encore plus riches.

Regardez autour de vous, regardez du côté de la haute hiérarchie administrative, économique et militaire, et vous verrez que ce sont toujours les mêmes d’il y a dix, vingt trente ans qui sont là si ce ne sont leurs rejetons de fils.

sur la scène publique, les cas d’injustice continuent d’être vécus au quotidien : le spéculateur foncier Cheikh Ridha continue de "se la couler douce" après avoir ruiné des centaines de familles, poussant la majorité d’entre elles, dans la rue ; des candidats au recrutement dans les corps de la sécurité continuent d’être poussés par des « mains invisibles » là où leur citrouille ne les aurait jamais permis d’accéder.

Comme par le passé, ils sont nombreux les candidats méritants, qui ont subi la gifle de l’injustice tribalo-régionaliste et celle des mafias affairistes, avec la complicité des surveillants et le recours systématique à la triche par portables interposés.

En termes des droits de l’homme et surtout de liberté, la question de l’esclavage est rangée dans les tiroirs, tue et étouffée par le Pouvoir, parvenu à mettre les acteurs de la société civile en rangs serrés ; les formations politiques de l’opposition observent un silence complice et se morfondent dans l’antichambre du Pouvoir dans l’espoir d’être cooptées auprès maître de céans et disposer des ses bonnes grâces. Plus aucune de voix discordante dans ce pays... Le calme est plat.

En terme de gestion de la chose publique, le clientélisme est toujours érigé en mode de conduite de l’administration ; les marchés publics accordés de gré à gré, la stigmatisation de jeunes, les méfaits des forces de l’ordre ou plus précisément, le traitement que celles-ci réservent aux manifestants pacifiques, le partage inéquitable des ressources du pays détenues par une portion de riches et hommes d’affaires, constituent entre autres, des éléments constitutifs de la marque déposée de ce système et par voie de conséquence, des Autorités.

Finalement, tout se passe comme si la justice et l’équité dérangent, déstabilisent, nuisent à l’image et pervertissent la mission de l’administration.

En arrivant au Pouvoir il y a près de deux ans, le président Ould Ghazouany s’était engagé à changer la situation, suscitant à l’occasion, l’espoir d’un renouveau au sein des populations meurtries.

Il ne savait certainement pas que pour remuer le « cocotier Mauritanie » et voyager loin, il ne faut pas seulement se lever tôt et ménager sa monture, il faut aussi avoir la force de David et Goliath réunis, le pouvoir de crever « l’abcès Mauritanie »... radicalement, sans état d’âme, sans regret.

Oumar Moktar

Source : L'Authentique (Mauritanie)


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