Le nouveau président mauritanien sera-t-il autonome ?

Boolumbal Boolumbal

Mohamed Ould Ghazouani, candidat de la majorité au pouvoir et crédité de 52% des voix, est déclaré vainqueur de l’élection présidentielle de samedi dernier. Pourra-t-il s’affranchir de son mentor, le président sortant ?

Après l'élection de samedi, la Commission nationale électorale indépendante (Céni) a confirmé la victoire de Mohamed Ould Ghazouani. Il remporte 52,01% des suffrages, malgré les protestations de l'opposition. Mais déjà, en attendant que ces résultats soient validés par le Conseil constitutionnel, une partie de l’opinion s’interroge sur la marge de manœuvre qu’aura le dauphin vis-à-vis du président sortant.

Ces interrogations se justifient car celui qui est encore ministre de la Défense de la Mauritanie est un compagnon de longue date du président sortant Mohamed Ould Abdel Aziz. Âgé de 62 ans, Mohamed Ould Ghazouani a participé à deux coups d'Etat, en 2005 et 2008, aux côtés du président sortant.

Au regard de ces étroites relations, le nouveau président ne pourra pas s’affranchir de son mentor selon Lô Gourmo Abdoul, enseignant de droit public à l'université du Havre en France et originaire de Mauritanie. "Il lui sera au moins au début très compliqué et très difficile de se défaire du devoir de reconnaissance", estime-t-il. "Ce sont des pays où l'appareil d'Etat est très faible. Et donc, la fidélisation de l'administration n'est pas automatique. Mohamed Ould Abdel Aziz (le président sortant, ndlr) a encore des leviers de commande", explique-t-il.

Réalité de terrain

D’autres experts soutiennent aussi que Mohamed Ould Ghazouani - une fois confronté aux réalités du terrain - va vouloir changer de stratégie. "Je crois qu'il se détachera du giron d'Ould Abdel Aziz. Et je crois qu'il créera la surprise dans le cadre de la gestion de l'Etat. Ce n'est plus maintenant Ould Abdel Aziz qui va déterminer le choix de El-Ghazouani mais ça sera probablement l'environnement politique de l'opposition, qui a une nouvelle force, qui va le pousser, plutôt que simplement gouverner sur la base de ses relations avec Ould Abdel Aziz", déclare Ely Mustapha, analyste politique mauritanien.

Défis

Cette élection présidentielle doit marquer la première alternance entre deux présidents élus dans ce pays sahélien habitué aux coups d’Etat militaire de 1978 à 2008. C’est celui de 2008 qui a porté au pouvoir Mohamed Ould Abdel Aziz, avant son élection en 2009. Par ailleurs, si le Conseil constitutionnel valide les résultats de la Commission électorale, le nouveau président aura plusieurs défis à relever. Il lui faudra d'abord apaiser le climat politique marqué les soupçons de fraudes lors de cette élection présidentielle.

Mohamed Ould Ghazouani devra ensuite essayer de résoudre les vrais enjeux du pays : le racisme, la corruption et l'esclavage. La société mauritanienne étant marquée par des disparités persistantes entre communautés arabo-berbère, haratine (descendants d'esclaves de maîtres arabo-berbères, dont ils partagent la culture) et afro-mauritanienne, généralement de langue maternelle d'ethnies subsahariennes.

Enfin, le nouveau président devra préserver la stabilité chèrement acquise par le pays, assurer le développement économique et faire respecter et promouvoir les droits humains. Des chantiers qui ont été ignorés par Mohamed Ould Abdel Aziz, le président sortant.

Appel au calme

Le militant antiesclavagiste et député mauritanien Biram Ould Dah Ould Abeid, arrivé deuxième selon les résultats provisoires de la commission électorale, a appelé, ce lundi 24 juin, ses partisans à s'abstenir de toute violence, dénonçant des "provocations" du pouvoir.

"J'appelle tous les Mauritaniens, en particulier ceux qui me suivent, à faire preuve de retenue et à respecter la loi et la tranquillité, ainsi que la sécurité des personnes et des biens", a déclaré Biram Ould Dah Ould Abeid lors d'une conférence de presse.

Dimanche soir, les quatre opposants en lice ont rejeté les résultats provisoires accordant la victoire au premier tour au candidat du pouvoir, l'ex-général Mohamed Cheikh El-Ghazouani. Cependant, ils ont annoncé leur intention de les contester par tous les moyens légaux et de manifester pacifiquement pour obtenir satisfaction.

Eric Topona

Source: Deutsche Welle (Allemagne)


Commentaires (0)